Biographie
Née au Caire de parents ayant fui l’Égypte à la fin des années 1960, d’origine gréco-libanaise et franco-géorgienne, Nora Atalla vit au Québec depuis l’enfance. Arrière-petite-nièce des écrivains Joseph-Charles Mardrus, célèbre pour sa traduction des Mille et une Nuits, et Lucie Delarue-Mardrus, romancière et poète honfleuroise, elle partage leur passion pour l’écriture. Elle a habité quelque temps le Honduras, la République démocratique du Congo, le Cameroun et le Maroc, et arpenté plusieurs pays cherchant à comprendre le monde et les êtres, s’inspirant de tous ses dépaysements. C’est dans la ville de Québec qu’elle vit aujourd’hui. Ses voyages et son œuvre poétique sont deux thèmes indissociables. Elle s’intéresse à la condition humaine; sa quête se situe dans les abîmes et la lumière, les ouragans et la fragilité, la fougue et la tendresse, le chaos et l’espérance. C’est le cœur de son travail.
Poète, romancière, nouvelliste et anthologiste, elle a publié près d’une quinzaine de livres, dont Morts, debout! et La révolte des pierres (Écrits des Forges), tous deux finalistes au Prix francophone international du Festival de poésie de Montréal (2021 et 2023). La révolte des pierres lui a aussi valu en 2022 le Prix international de poésie Annette Mbaye-d’Erneville du Festival international de littérature de Dakar. Au fil des ans, elle a reçu plusieurs autres prix et reconnaissances, dont, en 2023, le prix Artiste de l’année dans la Capitale-Nationale du Conseil des arts et des lettres du Québec et le Prix d’Excellence de l’Institut Canadien de Québec pour sa contribution exceptionnelle à la vie littéraire de Québec. Ses textes ont paru dans plus d’une cinquantaine d’anthologies, de collectifs et de revues littéraires au Québec et à l’étranger, bon nombre d’entre eux traduits en diverses langues. Elle a codirigé les anthologies Mosaïque québécoise — Femmes des forges et Kaléidoscope.
Reconnue pour son engagement dans le milieu littéraire, porte-parole de ses collègues à l’étranger, elle fonde en 2009 le projet « Les livres voyageurs », transportant dans ses valises près de 1500 ouvrages, anthologies et revues de poésie — rassemblant environ 1700 auteurs québécois et canadiens francophones — pour les faire rayonner hors des frontières du Québec. Ces livres sont désormais présents dans plusieurs bibliothèques publiques et universitaires en Afrique (Égypte, Bénin, Cameroun, Maroc, Kenya, Sénégal, Tunisie), au Moyen-Orient (Liban), en Europe (Roumanie) et en Amérique latine (Chili, Mexique). Elle participe à des festivals de poésie à travers le monde, dont celui de Trois-Rivières (2010, 2014, 2015, 2018, 2021). Elle a été vice-présidente du Festival international de poésie des Sept Collines de Yaoundé (2011 à 2013) et l’est toujours à titre honoraire.
Fondatrice de la Nuit de la poésie à Québec en 2009, elle l’anime chaque année depuis. Boursière du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et du Conseil des arts du Canada (CAC), elle siège régulièrement à des jurys et comités consultatifs, notamment au Prix du Gouverneur général (poésie) en 2019, à la Maison de la littérature de Québec et au programme Voix de la poésie. Elle est mentore d’écrivains en émergence et anime des ateliers en milieu scolaire, ainsi qu’auprès d’adultes, en francisation ou en contexte interculturel.
Elle a été poète en résidence au Centre des Récollets à Paris (2022, 2024, CALQ), au Mexique (2019, CAC), invitée d’honneur de la Maison des étudiants canadiens à Paris (2022, 2023, CAC), ainsi que lauréate en résidence croisée à Poitiers et Bordeaux (ALCA Nouvelle-Aquitaine/Institut Canadien de Québec). Elle a participé à plusieurs reprises au Marché de la poésie de la place Saint-Sulpice. En février 2025, elle était en résidence dans la Commune Popenguine-Ndayane au Sénégal (CAC).
Nora Atalla s’emploie à promouvoir la littérature au Québec et à l’étranger. Elle est vice-présidente de PEN Québec, un organisme qui se porte à la défense des écrivains persécutés de par le monde.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nora_Atalla — https://www.litterature.org/recherche/ecrivains/atalla-nora-1227/date/
Bibliographie
Soleil basalte
Poèmes
Éditions Unicité, Paris
2025
https://www.editions-unicite.fr/auteurs/Nora-Atalla/soleil-basalte/index.php
Entre la lumière et la cendre, entre le cri et le silence, Soleil basalte s’élève comme un chant de résistance face aux injustices et aux violences du monde. À travers une poésie incandescente et engagée, la poète explore les ravages de la guerre qui embrase des terres meurtries, réduisant des vies en poussière et semant l’exil.
Témoin des blessures du globe, Nora Atalla puise dans ses souvenirs, gravés au fil de ses séjours, en particulier en terre africaine, où elle a vu la souffrance se confondre avec l’espoir, la douleur s’entrelacer avec la dignité. Chaque vers est un éclat de vérité, un refus du silence, une main tendue vers celles et ceux que l’histoire oublie.
Partez avant qu’explosent
les soleils de violence
partez en d’autres lieux
où les foules sont encore
marguerites écloses
dans des champs impavides
et qui sait
où nous emportera le vent
Soleil basalte est un voyage brûlant aux confins de l’humanité, de l’amour qui trébuche, mais refuse d’abdiquer; une poésie qui ne détourne pas le regard, qui nomme l’indicible et trace, au creux des mots, la mémoire des peuples et la révolte des âmes.
Arracher les frontières
Poèmes – Ouvrage collectif
Hamac – poésie, Montréal
2025
« Déboussolés », signé Nora Atalla, dans ce collectif
Dans le recueil de poésie Arracher les frontières, douze poètes écrivent sur leurs traversées des territoires, sur leur pays d’origine et sur le Canada, avec passion, nostalgie et émerveillement. La puissance poétique de leurs mots crée un témoignage collectif de ce que nous sommes au plus profond, dans nos pluralités et dans nos singularités, dans toutes les rencontres qui façonnent une vie. Chaque poème dépose au-delà des frontières des humanités à se souvenir.
Varappe
Poèmes
Les Éditions Mains libres, Montréal
2024
https://www.editionsmainslibres.com/livres/nora-atalla/varappe.html
Varappe esquisse une poésie de la migrance et de l’exil, où l’on progresse sur un terrain fortement escarpé, le long de ses propres vertiges, pour atteindre un sommet où la vue est imprenable et où l’on tutoie le ciel, les limites repoussées; l’horizon semble une portée pour y tenter des notes, un filet pour y déposer l’enfance. Il s’agit d’une poésie qui palpe le vide, effleure l’inéluctable, fixe l’étau de l’absence et regarde dans le blanc des yeux les disparus, puis choisit entre monter encore avec difficulté ou se laisser dévaler.
Nous avons enfilé le vent
ne plus voir les cratères
nos chemins
poussent nos pas vers l’errance
le lointain piaffe sauvage
En attendant les heures sauvages, la poésie de Nora Atalla épouse le vent et souffle par-dessus les aspérités des surfaces où errent des pas incertains. Une poésie généreuse qui se commet, qui prononce des mots dont le vertige côtoie l’exaltation, la griserie, comme le danger et l’étourdissante impression de tourner sur soi-même; le firmament ou la chute ne sont jamais loin.
Elle s’appelait Marilyn
Nouvelles (sous sa direction)
Éditions de la Pleine lune, Montréal
2024
https://www.pleinelune.qc.ca/titre/701/elle-sappelait-marilyn
« Une souris à Manhattan », signé Nora Atalla, dans ce collectif sous sa direction
« Il y a dans ces trois nouvelles une démarche pour prolonger la vie de Marilyn, et c’est ce qui en fait tout leur sel. La première, entrecoupée de poèmes en clin d’œil à la star qui aimait tant en écrire, propose le récit de la vie d’une comédienne en quête désespérée de devenir elle. La deuxième nouvelle raconte une Marilyn en train de traverser le monde des morts, comme dans la religion tibétaine, pour trouver l’apaisement. Enfin, la troisième évoque la possession d’une jeune femme qui se croit habitée par Marilyn pour échapper à l’emprise de son mari et de sa propre mère. Ces trois textes sont axés sur l’art de mourir et la difficulté de vivre, mais ils ne font que conforter à la fois le mythe de la star, son intelligence, sa bonté et sa présence inaltérable, même au-delà de la mort. Contrairement à tous les nombreux livres écrits sur elle, celui-ci la rend encore plus présente et immortelle. »
Extrait de la préface de Marie-France.
Jaillir du jardin
Art-poésie (sous sa direction)
Éditions de La feuille de thé
2024
leslibraires.ca
leslibraires.fr
« Apaiser le brasier », signé Nora Atalla, dans ce collectif sous sa direction
Une rencontre fortuite, au Marché de la poésie de la place Saint-Sulpice en juin 2022 à Paris, a permis de rassembler quatre poétesses québécoises – Nora ATALLA, Mélanie BÉLIVEAU, Claudine BERTRAND et Mélanie NOËL – et un artiste français, Pierre ZANZUCCHI. La magie agissant, un élan d’amitié les entraîne dans un jardin caché, au coeur de la Butte secrète de Montmartre, voisin du mythique cabaret, Le Lapin Agile. Jardin qui, dès lors, leur donnera une impulsion créatrice, mariant poésie et art. Ainsi prend vie en 2024 ce recueil, inspiré du végétal, où chaque poétesse livre sa propre vision de la nature et de son incidence sur l’homme.
La révolte des pierres
Poèmes
Écrits des Forges, Trois-Rivières
2022
Dans son plus récent recueil de poésie, intitulé La révolte des pierres, Nora Atalla poursuit la mise en place d’une réflexion détaillée sur l’importance d’élaborer un monde humain plus lumineux, débarrassé de ses facettes les plus sombres.
rien n’entrave l’avalanche du gravier
ni l’avancée des engins meurtriers
les vérités se figent en écume de terre
vienne l’aumône d’une parcelle pierreuse
pour étancher nos soifs de printemps
À travers sa construction même, La révolte des pierres met en relief une analyse minutieuse des sociétés actuelles et en appelle à une révolte présentée comme nécessaire. Comparant à une maladie les pouvoirs autocrates qui gèrent les collectivités, Nora Atalla offre ici des images denses et justes des effets désastreux d’un tel Mal sur le « corps » social, tout à fait comme sur un corps humain. Cette poésie présente comme inéluctables les affrontements avec les pouvoirs, policiers ou militaires, au cours de rébellions devant la progression de la maladie. Et la poète met tout son espoir dans la jeunesse pour y parvenir :
dites
comment modeler l’airain
et engendrer la libération
Morts, debout !
Poèmes
Écrits des Forges, Trois-Rivières
2020
Morts, debout! met en scène de manière singulière les efforts d’hommes et de femmes pour construire un monde à leur image. Nora Atalla y dépeint avec lyrisme et émotion des univers personnels à conquérir, souvent de haute lutte. La poète s’attache à contraster les côtés sombres et lumineux de l’histoire humaine.
Morts, debout! de Nora Atalla est un cri, un appel pour livrer bataille à la mort horizontale, au tracé plat du moniteur qui indique l’asystolie maligne de l’esprit, pour réentendre battre le cœur et pour se relever. Une interrogation s’impose :
qui insufflera de l’air aux asphyxiés
qui tendra la main / rassemblera têtes et troncs
qui recoudra le cou des égorgés
mais qui donc / redonnera courage
La poète s’interroge : Notre fin est-elle inéluctable? Ou est-ce cette interrogation qui persiste : Sera-t-il possible à l’humanité de se sortir vivante de ses propres débâcles?
peut-être une seule minute
enjamberons-nous l’inévitable
pour apercevoir une fraction d’amour
dans l’enchevêtrement des terreurs
peut-être émergerons-nous
de l’épaisseur de nos décombres
une seule petite fraction
pour laisser le soleil nous traverser
Il faut lire Morts, debout! comme un hymne à la vie et à l’engagement sous toutes ses formes.
Bagnards sans visage
Poèmes
Écrits des Forges, Trois-Rivières
2018
Nora Atalla écrit une poésie qui se présente comme une espèce de mémoire du monde : contrastant les côtés sombres et lumineux de l’histoire humaine, son œuvre met en scène la cruauté des tyrans et la force de la résistance des victimes, femmes et hommes qui dans ses poèmes comptent sur l’amour comme source de ténacité et d’espoir, et comme antidote devant l’adversité de leurs destins.
Bagnards sans visage plonge au cœur de la douleur des damnés de la Terre, ces condamnés aux travaux forcés qui ont traversé l’océan de la France jusqu’en Guyane. En quatre portraits présentés comme autant de moments forts d’une vie de rage, de désespoir et d’humiliation, le recueil est un vibrant hommage à la volonté de vivre de ceux qui ont subi la transportation :
des tessons à trancher les veines les trachées
les élans à saigner l’amour
les détenus entament la procession des couleuvres
l’avancée des cadavres
que fera-t-on de leurs restes
dans quelles contrées iront se perdre leurs ombres
que le fracas de leurs fers
le grincement de leurs dents
Les ouragans intérieurs
Poèmes
Écrits des Forges, Trois-Rivières
2014
Les ouragans intérieurs dépeignent une plongée au cœur de la souffrance humaine, une souffrance générée par la cruauté et l’absence d’espoir. Pas de réponse aux cris de désespoirs et de rage de cœurs meurtris à en périr :
les tessons charcutent les espoirs
la défiance absorbe la rédemption
elle règne sur l’ombre qui gomme nos jalons
[ ] que dire quand plus rien ne reste
et que plus rien ne résiste »
À la fois descente aux enfers et dénonciation cinglante, le recueil n’épargne pas la sensibilité du lecteur, qui accompagne Nora Atalla au cœur d’un désastre à caractère universel :
[ ]
sans fin ni cesse le cycle recommence
de laideur et de turpitude
la cuve s’emplit
bouse fiente étrons
parsèment les layons cahoteux
tous mènent à l’égarement interminable
Ce corps à corps avec la douleur d’exister dans un monde obscurci par la perte nous amène au bord d’un gouffre intérieur où « les ouragans crachent leur haleine de soufre ».
rien ne pénètre l’être
je me pétrifie dans la carence
vie de malmené naître périmé
rien n’isole la souffrance
Hommes de sable
Poèmes
Écrits des Forges, Trois-Rivières
2013
Hommes de sable raconte un voyage en Égypte, le pays d’origine de la poète. Cet itinéraire initiatique offre au lecteur des images constituées de couleurs et d’émotions, entremêlées à des paysages anciens et actuels, lumineux et empreints de grâce, bien que, sans cesse, au bord de l’effondrement, comme le vent passe sur les sables du désert et sur la tranche d’un temps lointain :
les dômes de prière arrondissent le paysage
et de miel est le sable qui écorche la peau
les bleus s’enfoncent dans la terre
de feu de corail et de dorure // flottent les arabesques
angles purs étalés sur la noirceur
[…] mille mains dans une mer de béton
et quelques feuillages pour éclaircir l’enfance
L’Égypte surgit sous nos yeux en des « notes vibrantes sous les moires d’Orient / langueur dans les membres / et vagues dans les reins »; l’Égypte s’éveille quand « s’agite le cœur / sous les touches de harpe / la soie glisse tombe doucement ».
Le chant s’allie à la danse :
il y a dans l’air les aveux de la nuit / et dans le satin un désir / qui va là sous l’astre lunaire
Voilà le pays des « hommes de sable », celui qui est lieu de l’origine, mais aussi lieu de blessure : « le soir sous mes gravats insondables / pleure avec moi le Nil immuable ».
L’amour, qui marque ce voyage, aurait-il enfin un pouvoir de transcendance, demande la poète :
« ne se terminera-t-il pas / cet interminable voyage / vers le non-sens et les fonds vaseux / le flou douloureux des origines »?
La gestation de la peur
Poèmes
Les Écrits des Forges, Trois-Rivières
2011
La gestation de la peur, première publication de Nora Atalla aux Écrits des Forges, explore l’univers prégnant du cauchemar, qui trouve son origine dans l’enfance. Au travers des quatre sections du recueil, Métamorphose, Reptations, L’envers du cauchemar et La dilatation du temps, surgissent des images fortes, douloureuses, évocatrices de blessures profondes.
prisonniers de honte
s’échappant de leurs colliers
sur les dalles de marbre
leurs failles fendent le jour fade
prisonniers des heures
fouillis de coutures fouillis d’ordures
les clowns reposent dans des cimetières
croix plantées au cœur des blessures
d’insondables fosses avalent les avanies
En contrepoint avec les cris de souffrance qui forment le cœur du discours poétique, surgit une voix rassurante, source d’apaisement et d’espoir inaugurant un contraste lumineux au sein d’un univers de noirceur.
ouvre ta main et laisse-moi
y déposer l’oasis dont tu te prives
un îlot de lumière
pour enfin ravauder tes lambeaux