« Cours petite fille »

Extrait de l’ouvrage collectif intitulé « Argentine, la révolution des filles » paru en 2019 aux Editions des Femmes – Antoinette Fouque, préfacé par Asia Argento.

Par Alicia Dujovne Ortiz

« Comparable aux luttes pour l’avortement des années 1970 et pour la parité, dans les années 1990, le mouvement de protestation féminine récent déclenché par l’affaire Weinstein » fait partie des moments d’Histoire, où se condensent les colères, où naissent les révoltes. Cet ouvrage pluridisciplinaire précise les enjeux des débats et des mobilisations, et les met en perspective au regard des réflexions récentes sur les violences de genre, le consentement, l’émancipation des femmes, et l’égalité des sexes« .

Elle a couru, oui, en rentrant de l’école, la petite fille que j’ai été dans les années 1940 et 1950, à Buenos Aires, se pliant à l’injonction du titre de ce livre, sans l’avoir bien sûr deviné mais mue par la nécessité d’échapper à ces hommes qui, soir après soir, la poursuivaient dans la rue obscure. C’était une course folle : cent mètres à parcourir avant d’arriver à la maison, cent ans avant de réussir à introduire la clé dans la serrure, de refermer la porte vitrée donnant sur le couloir et de voir se dessiner derrière la vitre le rire triomphant de l’exhibitionniste avec son morceau violacé à la main, bien en vue. Et lorsque ledit morceau lui était dévoilé à bord d’un autobus, c’était encore la petite fille qui devait descendre en courant, les joues en feu et sans broncher, car malheur à celle qui oserait élever la voix sachant que l’agresseur prononcerait alors la phrase sacro-sainte, approuvée par l’ensemble des passagers : « C’est elle qui m’a cherché ».   

Le Monde : « Les corps en feu de femmes iraniennes crient leur refus de l’ordre infernal qui leur est imposé »

Chahla Chafiq, écrivaine et sociologue, partage cet article du journal Le Monde : « Les corps en feu de femmes iraniennes crient leur refus de l’ordre infernal qui leur est imposé »

Après le suicide par le feu d’une jeune Iranienne condamnée pour avoir assisté à un match de football, l’écrivaine et sociologue lie cette immolation au combat plus général pour la liberté et contre l’oppression islamiste dans ce pays.

Publié le 23 septembre 2019 à 06h30 – Mis à jour le 24 septembre

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/23/chahla-chafiq-les-corps-en-feu-de-femmes-iraniennes-crient-leur-refus-de-l-ordre-infernal-qui-leur-est-impose_6012643_3232.html

Paris – La personne au centre

Entretien de Julia Kristeva avec Georges Nivat et Olivier Mongin, Revue Esprit, juillet-août, 2019

Julia Kristeva revient sur l’affaire de diffamation dont elle a fait l’objet, analyse le nouveau communautarisme des colères, évoque son engagement psychanalytique, son athéisme et son intérêt pour la foi, le féminisme et la notion européenne de personne.

http://www.kristeva.fr/2019/JKristeva_La_personne_au_centre_entretien_avec_Georges_Nivat_Olivier_Mongin.pdf

http://www.kristeva.fr/la-personne-au-centre.html

Julia Kristeva : Professeure émérite de l’université Paris Diderot, psychanalyste, écrivaine, elle a récemment publié Je me voyage (Fayard, 2016). Julia Kristeva a rédigé de nombreux ouvrages sur la révolte (Sens et non-sens de la révolte, La révolte intime), sur l’amour (Histoires d’amour, Denoël, 1983), ou encore sur la foi et l’athéisme (Cet  incroyable besoin de croire, Bayard, 2007).…

Georges Nivat : Historien des idées et slavisant, traducteur spécialiste du monde russe.

Olivier Mongin : Directeur de la revue Esprit de 1989 à 2012 Marqué par des penseurs comme Michel de Certeau, qui le pousse à se confronter au structuralisme et l’initie aux problématiques de la ville et aux pratiques urbaines, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, les animateurs du mouvement Socialisme ou Barbarie, qui lui donnent les outils à la fois politiques et philosophiques de la lutte…

Paris – Suzanne Dracius interpelle les « états généraux »

À l’occasion du Salon du Livre, en mars, à Paris, Suzanne Dracius, poète et écrivaine martiniquaise, a interpellé les Etats Généraux du livre en langue française.

« Les écrivaines manquent de visibilité face à leurs homologues masculins. Quelles mesures concrètes proposez-vous ? »

Les derniers chiffres de l’édition le montrent bien ; le secteur s’est, certes, féminisé mais il reste que les postes de direction restent majoritairement occupés par des hommes, à l’instar des jurys littéraires.

Une réalité qui fait réagir le Parlement des écrivaines francophones.

Le Manifeste du Parlement des écrivaines à Orléans

A l’initiative de l’écrivaine tunisienne Fawzia Zouari et soutenu par l’Organisation internationale de la francophonie s’est réuni, pour la première fois, à Orléans, du 26 au 28 septembre, le manifeste du Parlement des écrivaines francophones a été publié dans Le Monde le 28 septembre 2018.

« Nous voulons aussi faire en sorte que toute femme ou homme de plume puisse ne pas subir la répression, les intimidations, les fatwas en tout genre. »

Les Signataires : Marie-Rose Abomo-Maurin, Maram Al-Massri, Marie-José Alie-Monthieux, Ysiaka Anam, Dalila Azzi Messabih, Safiatou Ba, Linda Maria Baros, Emna Bel Haj Yahia, Nassira Belloula, Maïssa Bey, Lila Benzaza, Lamia Berrada-Berca, Sophie Bessis, Tanella Boni, Hemley Boum, Dora Carpenter-Latiri, Nadia Chafik, Chahla Chafiq, Sonia Chamkhi, Miniya Chatterji, Aya Cissoko, Catherine Cusset, Geneviève Damas, Zakiya Daoud, Bettina de Cosnac, Nafissatou Dia Diouf, Eva Doumbia, Suzanne Dracius, Alicia Dujovne Ortiz, Sedef Ecer, Charline Effah, Lise Gauvin, Laurence Gavron, Khadi Hane, Flore Hazoumé, Monique Ilboudo, Françoise James Ousénie, Fabienne Kanor, Fatoumata Keïta, Liliana Lazar, Sylvie Le Clech, Catherine Le Pelletier, Tchisseka Lobelt, Kettly Mars, Marie-Sœurette Mathieu, Madeleine Monette, Hala Moughanie, Cécile Oumhani, Emeline Pierre, Gisèle Pineau, Emmelie Prophète, Michèle Rakotoson, Edith Serotte, Leïla Slimani, Aminata Sow Fall, Elizabeth Tchoungui, Audrée Wilhelmy, Hyam Yared, Olfa Youssef, Fawzia Zouari.

Le manifeste a aussi été traduit en anglais :

The Manifesto of the Parliament of Francophone Women Writers:

« Freedom, Equality, Femininity »

Upon the initiative of the Tunisian writer Fawzia Zouari and supported by the International Organization of the Francophonie, the Parliament of the French-speaking women writers met for the first time, in Orléans, 26 – 28 September 2018, of which we publish the manifesto.

The manifesto of The Parliament of French Women Writers, was first published on 28 September 2018 at 3:59 pm and updated on 29 September 2018 at 11:15 am.

We, French women writers, gathered on september 28th, 2018 in Orléans for our first parliamentary session, decided to speak together, with one voice and in the same language, because we are often questioned and we can not answer; because others speak for us; because we want to be heard, speaking about ourselves, about our own fate, about the world where we live and that is not always kind to us. We want to end our silence, and as because we have the power of words we give ourselves this collective voice and a perspective to history that so far has been largely made without us.

Writing is our passion, our profession, but it can neither be the place of our solitude, nor of our confinement. The act of writing is like a home whose windows open out to the entire planet. We want to come out of Sheherazade’s night into the light of day.

Our literature is not, as often insinuated, a literature that delights in subjectivism and tears, its reluctance to be a policy or an ideology notwithstanding. Our literature is our voice about the world. Our choice of the world. Combative and serene. Decided and generous. That toys play with imagination. A literature of all childhoods and filiations, a literature that seldom follows a specific norm. What’s human and how it’s gauged.

Yes, there is a literature reinvented in the feminine gender, that intends to be at the crossroads of history and engaged in battles, all battles. That which consists first and foremost in reaffirming the solidarity of women writers amongst them and is not afraid to speak up about “sorority ».

We want to oppose wars

We want to create a network of writers, that encourages and sponsors the youngest of us, and pushes us to read and write.

We also want to ensure that any woman or man in the field of writing may not suffer repression, intimidation, and fatwas of any kind. The impossibility of passing borders.

We want to oppose wars. All wars. Starting with the visible or insidious, veiled or uncovered, directed against women: patriarchy in all its forms, rape, harassment, genital mutilation, feminicide, domestic violence (seven women die every day in Mexico, two in Argentina and one every three days in France). Proof that women’s bodies continue to be, as much in the North as in the South, a victim of power and a theater of conflict. Proof that controlling female sexuality remains the ethos of every religion. when it is not subject to commodification and degradation by the advertising industry.

War against the war. The one whose civilians are the first targets. Motivated by power struggles and murderous ideologies. We will fight terrorism, jihadism, populism, hate speech, religious extremism and rejection of the other. And all those who follow: these wandering, lost people, clinging to barbed wire, piled on makeshift boats because their countries have denied them the prospect of a future, because Europe left them with no other choice than washing up on its shore like dead fish.

Let us not forget this sentence of Aristophanes: « When war is the business of women, it will be called peace! » Why ? Because every conscious and free woman is a danger for dictatorships. Because every woman crossing borders rehabilitates the discourse on otherness.

Letting go of past disputes

This era of violence and retreat is against the backdrop of a planet that is in a state of panic and of nature that is vulnerable to globalization, over-industrialization, consumerism and pollution. We, women, say that the fight for protecting the environment is our fight. That the Earth is our only real country. The one we want to pass on to our children.

We say all of this together in one language: French. We are not ashamed of it. We have no complex to express ourselves in what is no longer just the language of Molière. On the contrary: we want to renew or recreate the discourse on French, break it off from the terminology of war – « loot » and « language of the colonizer » – and get rid of the litigation from the past. We make this language our legitimate child.

And we will teach him to speak of our origins, our journeys, the causes we hold dear. We will teach him to modulate the singing of verses on our mothers’ lullabies, and this language we shall use in its noblest, fairest, and most universal form. It will keep flowing, to expand its territory of hospitality, to rejuvenate the source of our crossbreeding.

But we will not only be there to point out imbalances and detect tragedies, as we also want to give back to the world its beautiful voice, anchored in hope and concerned for future generations. Restoring its social fabric and rehabilitating its friendliness traditions. To create a modernity that has the feminine attribute of knowing how to regulate differences and disputes.

We dream? Well, that is good! Because the day women do not dream, it will be the biggest nightmare for men. Let us dream! And let us do so such that our dreams end up as a reason for the world. Through our voice we will build the only civilization that is worth building: the universal civilization.

The Parliament of Francophone Women Writers